Cause perdue

 

Ta silhouette comme une ombre

Ta démarche comme une fuite

Ton sourire comme une faille

Ton regard opaque

Ta langue étrangère

Tes poses de nature morte

Ton absence comme une cause perdue

 

 

 Passion

 

Ses sourires me déchiraient les yeux

Cécité de son regard narcissique

Ses mensonges m’assourdissaient

Surdité de son écoute indifférente

Ses baisers neutralisaient ma bouche

Aphonie de sa voix bruyante

Son corps me rendait fou

Démence de sa raison d’être

Je sombrais dans une folle passion

Aveugle

Sourde

Et muette

 

 

Un nœud à mon mouchoir

 

 

Tu passais dans la rue

Toute de blanc vêtue

J'attendais dans un bar

Une histoire en retard

Et soudain il a plu

Sur ton visage nu

J’ai sorti mon mouchoir

Mais il était trop tard

Et puis tu as couru

Jusqu’au bout de la rue

Je suis sorti du bar

Mais il était trop tard

Tu avais disparu

De ma vie de ma vue

Je n’avais plus d’espoir

Debout sur le trottoir

Ce jour-là je t’ai vue

Mais il était trop tard

J’ai fait ce que j’ai pu

Un nœud à mon mouchoir

Et je suis revenu

M’accouder au comptoir

 

 

L'imaginaire

 

 

Cette imagination comme un bourreau

M’écartèle sur la roue du fantasme

Pour me faire avouer mes actes misérables

Et tendu de tous côtés

Je dénonce sans aucune honte

La solitude de mes poignets

Me tirant de chaudes larmes

Cet extrême imaginaire

Auquel je me nourri

Devient la substance de ma vie

Ma raison de non-être

Ma source d’inactivité

Ces images défilent selon ma volonté

Et me rendent immobile

Mes actions se figent

Devant le mouvement autoritaire de mes pensées

Que mon cerveau défaillant distille en permanence

Cette morphine soulage les douleurs de la vie

Je souffre

Donc je pense

Mais suis-je ?

 

 

Faux-semblant

 

Ces larmes salées et pourtant si amères

Ces baisers humides et pourtant si arides

Ces caresses assidues et pourtant si lointaines

Ces mots enivrants et pourtant si lucides

 

 

  

Belle endormie

 

 

Visage sur un écrin de crin doré

Front lisse de malice

Sourcils aux pieds de ballerine exécutant une pointe

Cils éventails de paupières orientales

Nez voile aux vents des rêves

Bouche caverne aux trente-deux ivoires

Joues pâles rougissantes aux baisers

Menton je te tiens tu me tiens par la barbichette

Long cou gracile d’exclamation

Épaules aux arrondis de viole

Bras raccourcis menant droit au cœur

Embrassements d’avenirs heureux

Bras de mère latente

Mains aux doigts de dentelle

Aux mille signes des langages

Qui saluent et soulagent

Servent tendent prennent donnent

Mains qui caressent ou châtient

Seins altiers d’amazone

Nombril copeau de chair délicat

Ventre frémissant d’air vague

Hanches dont les vibrations à venir

Sont autant de promesses à l’abri du vent

Embouchure du monde originel

Cuisses aux muscles fuseaux

Genoux joujoux mécaniques

Mollets aux souvenances de hauts talons

Chevilles nobles ouvrières

Pieds de nez à la gravitation

Corps dormant au bois de hêtre

Peau hâlée mais jamais vraiment partie

Soierie raffinée de caresses

Silence charnel

Rythmé par un souffle imperceptible

Juste un murmure esthétisant

Un écoulement de beauté

Fulgurance de l’œuvre d’art

 

 

 

Elle pleurait joyeusement son désespoir perdu

Sur les berges du doute ondulant de caresses

J’ai remonté le courant de ses larmes

Jusqu’à la source de son cœur

 

 

 

Petite mort

 

Seins assassins

Violents et chafouins

Attrapes généreuses aux balcons

Chutes fatales sous le haut talon

Hanches criminelles

Brutales et cruelles

Parois de soie sans fond

Chutes fatales sous le haut talon

Fesses tueuses

Sévères et moqueuses

Sanctuaires de dentelles et de sons

Chutes fatales sous le haut talon

Jambes meurtrières

Agressives et fières

Pentes douces de Nylon

Chutes fatales sous le haut talon

Bras mortels

Précis et machiavels

Lignes de mires à l'horizon

Chutes fatales sous le haut talon

 

                 

 

Gare

 

Aux baies vitrées de tes yeux

Panoramique de lumière

Sur ta longue nuque vierge

Voie ferrée de dents lactées

La machine à vapeur

Aplatit sa langue Lakota

Frémissante sous les vibrations

Des wagonnets chargés d’adrénaline

 

 

Belle joue pâle

 

Belle joue pâle

Nue sous le voile

D'une tristesse héroïque

Belle joue pâle

Tendue sous le voile

D'une douleur tyrannique

Joue vibrante sous les gifles

Joue saignante sous les griffes

Belle joue pâle

Qui parfois dévoile

Des rondeurs comiques

Belle joue pâle

Qui parfois joviale

Se fait élastique

Joue aux fossettes joyeuses

Joue aux rides heureuses

Belle joue pâle

Qui joue les voiles

Sous le vent des tropiques

Belle joue pâle

Bouffie d’étoiles

Au sommet volcanique

Joue rougissante aux baisers

Joue frémissante au toucher

Belle joue pâle aimée

 

 

 

 

La princesse égarée

 

Rondeurs passagères

De la lune en déshabillé

Douleurs messagères

De la voûte étoilée

Chant du troubadour enrhumé

Aux pieds nus de la tour lézardée

Mais la Princesse était garée

 

 

Chères obscures

 

 

Feux de fièvres feintes

Rouges gorges riantes

Douces sources de saveurs

Joies des jeux juvéniles

Tas de taffetas sous le vent

De noires inspirations

Les chairs obscures sont de nature morte

Que le vent des aspirations les emporte

Bleus des blés brûlants

Tristes tresses bruissantes

Blondes, brunes et roussies

Volutes de vague à l’âme

Artifices en libre-service

Soulevant de noires inspirations

Les chairs obscures sont de nature morte

Que le vent des aspirations les emporte

Lourdes haleines de haine

Dépôts de peaux dépecées

Couchés de chairs obscures

Les chairs obscures sont de nature morte

Que le vent des aspirations les emporte

 

 

Histoire d'eau

 

Comme ces îles aux rivages lointains

Qui s’entourent de brume

Pour échapper aux regards civilisés

J’aspire au mystère

Il y a mon Robinson Cru

Ma Zoé Cuite

Et mon Vendredi Soir

Mais je n’en fais pas un roman à l’eau de mer

Car cette histoire n’est pas à boire

 

 

Il n'est besoin de vers pour écrire de soie

 

 

 Inspectrice Émoix

 

 

Ô ma poulette des mœurs
Comme j’ai envie de te couver
De te couvrir
Te courir après
Rire avec
Bises de becs
Déballer ton bombec
Ô ma fliquette du vice
Comme mon amour te planque
Et je ne suis pas un novice
Ma pine clandestine trime déjà
Ô mon chantier au noir
Je serais ton immigré
Ton sans papier
Au gré de tes fondations
Je serais ton petit maçon
Tu seras mon édifice
Mon bâtiment public
Mon administration centrale
Mon amour d’état
Mon affaire secrète

 

 

Cauchemars

 

Rouges démons nocturnes

De mes nuits blanches

Aux noires illusions

Refroidissez mes draps

 

 

La minette

 

Il vient d’apprivoiser une belle chatte

Elle sait miauler de façon délicate

Et c’est avec distinction qu’elle se dilate

Depuis que ce prince persan la convoite

D’or et de soieries elle s’est amourachée

Bien davantage que du jeune héritier

Lorsqu’elle daigne rejoindre le doux foyer

L’animal lui interdit son petit panier

Et la voilà qui prend des airs d’aristocrate

Et le relègue au simple rang d’ouvre-boîte

Cette minette est une belle ingrate

Dénuée de la valeur dont elle se flatte

Aux incertains félidés

Les fidèles canidés sont une aubaine

Car la minette est incertaine

En attendant que sa chatte lui revienne

Le malheureux lui réserve un chien de sa chienne…

 

 

Errance

 

 

Cheminer depuis l’aube sans savoir où aller

Marcher droit devant soi ou zigzaguer

Voler un fruit, un peu d’eau pour continuer

S’épuiser jusqu’au soir sans savoir où reposer

Soudain un mirage au détour d’un chemin

Une faible lueur tremblante au loin

Peut-être un havre pour la nuit

L’espoir du pain, de la soupe et de la main tendue

Alors la fatigue et la faim percent le silence

Et le cœur accélère dans sa solitude

 

 

 

L'incendie couve

Mon cœur de braise s’enflamme

Au moindre souffle amoureux

 

 

J’imagine

Une présence qui n’est pas de bois

Sans artifices

Qui me touche

Dame cœur

Une amie

J’imagine

Une dame qui converge vers moi

Comme une complice

Peu farouche

Âme sœur

Mon amie

Point d’amour entre nous

Ni d’autre religion

Liberté d’être fous

Pour seule confession

Point de haine entre nous

Ni d’autre religion

Liberté d’être doux

Pour unique passion

J’imagine

Une femme qui me prend dans ses bras

Entre ses cuisses

Dans sa bouche

Dans son cœur

Dans sa vie

Des abandons confiants et généreux

Des échanges sincères et spontanés

Pas d’exigences ni de reproches

Une adhésion naïve à l’autre

Sans fusion ni effacement de soi

Un cheminement harmonieux

Simplement aller par deux

 

 

Être un couple

 

 

 

Big Bang !

 

Ton cul

Rond comme une planète

Souriante à mon orbite

Ton cul

En révolution permanente

Dans mon espace de gravité

Ton cul

Capsule d’éther

Prête à se dilater

Et ma queue fusée

Big Bang !

 

 

Recommencer

 

Prendre une plume

Re-prendre la plume

Écrire

Ré-écrire

Des mots

Des mots nouveaux

Des maux de tête

Que l’on jette

Sur du papier

Toujours plus de papier

Et toujours plus d’encre

Jeter l’encre sur le papier

Échouer

 

 

Devinette

 

Ma première naît de la lumière

Ma deuxième nécessite des vibrations

Mon troisième est constitué de récepteurs multiples

Mon quatrième s’exprime dans les palais

Mon cinquième touche à tout

Et mon tout a besoin d’être centralisé

Qui sommes-nous ?

 

 

Noctambule

 

Sombre velours nocturne

Râpé par de misérables solitudes

Alcoolisées, enfumées et livides

Ivres d’un réconfort anonyme

Suintant la chaleur électrique

De pièges interlopes

Velours aux parfums artificiels

Odeurs désenchantées

Borborygmes désespérés

Combien de lapsus et d’actes manqués

Avant d’atteindre de paisibles rivages

Bercés par la fatigue de l’aube
Hydratés par la rosée du petit matin qui tremble

 

 

La porte s’ouvrit

Sardonique

Elle apparut

Nue

Il banda

Franchement

 

 

 

Petite squaw Lakota,

 

Le soleil, à peine levé, hume déjà les brumes matinales des Grands Lacs, tes yeux malicieux naissent au jour, lumière chaude giclant dans le clair obscur du tipi, éclats de flèches rouges et jaunes sur mon être pâle électromagnétisé, et, malgré le massacre de Wounded Knee, tu m’accueilles en paix, nimbée d’une naïveté ancestrale, prête à l’échange, au troc, ouverte aux mondes naturels et surnaturels, oscillant entre la traditionnelle Sun Dance et la douteuse Danse des Esprits, mais confiante dans la bonté des hommes qui marchent debout, tu me souris d’amour fraternel, main levée en signe de bon jour, à l’écoute de mes mots braconniers, à l’affût de mes muscles tendus, car tu devines mon exploration prédatrice, mais tu ne crains pas l’inconnu, toi, l’amazone aux cuisses tannées par ton fidèle Nokota, arrière petite fille d’un chef victorieux à Little Big Horn, je dépose alors ma voie ferrée de dents lactées sur ta longue nuque vierge, tu courbes l’échine, ma machine à vapeur foule ta langue Sioux, frémissante sous les vibrations de wagonnets chargés d’adrénaline, tu te soumets, guerrière fière et libre, à l’aventurier romantique qui foule sans pudeur ta terre immaculée, mère des mystères de Wakan Tanka, l’empreinte de mes pas sur tes plaines souille la mémoire de ton peuple nomade, de tes héros légendaires, Crazy Horse, Sitting Bull, Red Cloud et bien d’autres moins célèbres et pourtant aussi courageux dans les batailles, mais tu n’es jamais vaincue, chasseresse aux Sept Feux, car plus je m’enfonce en ton avenir déculturé et plus je perd mes racines européennes, et tandis que l’amer indien dénaturalisé sort son couteau pour graver sur un totem en hickory ses souvenirs humides, j’honnis mes conquêtes sauvages, j’exècre mes élans colonisateurs, j’abhorre ma civilisation destructrice, je pleure les morts innocentes, je dénonce la détribalisation par le biais d’enfants scolarisés sous le joug du christianisme, je regrette les massacres de bisons, je dénonce la répression culturelle, et, nostalgique, j’écoute tes chants en fumant la pipe sacrée Kannunpa Wakan avec tes frères, petite squaw Lakota, toi qui, certaines nuits, à Black Hills, chantes l’histoire de ton peuple et les injustices des envahisseurs blancs au son des flûtes et des tambours, puis, lorsque le désir te commande, l’on se rejoint dans l’intimité de nos corps, debout, pliés, agenouillés, couchés, vautrés, mais dignes…

 

 

L’Homme est maître du mal

Et son égoïsme, le chien de l’esclave

 

 

 

Mélancolies océanes

 

Sur le sable
J’écoute de blanches lames
Harmonies d’écume
Inlassables
Elles me donnent le vague à l’âme
Et ma vue s’embrume
Sous les nuées gorgées
D’un flux volatil
J’essuie le grain salé
Á coups de cils
Est-ce un air de l’au-delà du grand large
Que l’hiver enrhume ?
Est-ce un air émergeant du fond des âges
Que la mer exhume ?
Nostalgique importun
Porté par le vent
Qui rappelle à chacun
La nuit des temps
Mélancolies océanes
Qui chavirent corps et âmes
En hiver
Mélodies
Si ressassées par le ressac
De mon amertume
Que l’ennui
Berce mes jours de son hamac
Et je me consume
Fantôme de sable
Au souffle iodé
Je suis perméable
Á mon passé

 

 

Le bonheur est une ligne d’horizon

Que l’on scrute alors que tintent les glaçons

Á l’ombre d’un beau sombrero

Sous le soleil de Mexico

 

 

 

Les gens qui se lèvent

 

 

L’air de rien

Délicatement

Voler aux vents

Leurs souffles indélébiles

L’air de rien

Légèrement

Diffuser nos sentiments

Au-delà des champs du possible

L’air de rien

Subtilement

Jour après jour

Dissiper les malentendus

En suspension inutile...

 

 

 

L'homme endormi

 

Alors qu’il dort d’un sommeil profond

Elle effleure sa peau de sa bouche fébrile

Renifle les effluves de rêves qui s’en évaporent

Doucement, au rythme de sa chaude respiration

Tel un courant d’air femme

Elle descend le long de son dos

Son souffle tourbillonnant à fleur de fesses

L’homme se tourne légèrement sur le coté

Apparaît alors un mât sans voiles

Qu’importe...

Elle souffle doucement afin de lui faire prendre le large

Pousser au loin les rêves de l’homme endormi

 

 

J'ai l'air d'un Fado

 

Avec mes yeux dans ta nuit

Ma bouche à court de ton souffle

Mon cœur au mal de ta mer

Mon corps sans tes airs

Qui attend la coda du temps...

 

 

Mon rêve général

 

Je fais souvent ce rêve social et politique
D'un peuple fier et inconnu que j'aime et qui s'aime
Et qui naît, sans foi ni lois, de révoltes bohèmes
Pour installer autre chose qu'une symbolique.

Car il se comprend, et son cœur est démocratique ;
Pour lui seule compte l’émancipation humaine
Portée par l’éducation populaire qui sème

Les valeurs constituantes d’une république.

Est-elle verte, rouge ou noire ? - je l'ignore.
Son drapeau ? je me souviens qu'il est comme un sémaphore ;

Comme ceux aimés des marins que la mer éloigna.

Sa lumière appelle à lui tous ceux qui se sont perdus,

Tous ceux et toutes celles à qui jamais la vie n’a
Donné la possibilité d’être enfin entendus.

 

Inspiré de Verlaine

 

 

Les nerfs tissent un réseau de communication sur-développé

Dont la rapidité du flux n'a d'égale que la précision du message

 

 

 

 

Le siège de la République

 

Á chaque fois qu'un homme pisse assis

Avec égalité il officie

Pour soulager sa propre vessie

Des femmes il obtient un satisfecit

Pour ses compétences en géométrie

Ainsi que ses notions de courtoisie

Nulle éclaboussure sacrilège

Ne vient tâcher l'honorable siège

Á chaque fois qu'un homme pisse assis

Avec fraternité il officie

Pour libérer puissamment sa vessie

Pas un des siens il ne préjudicie

Par son assise rare en sa patrie

Et son impudique cénesthésie

Car sur la cuvette qu'il assiège

De la miction il devient stratège

 Á chaque fois qu'un homme pisse assis

C'est avec liberté qu'il officie

Pour soulager humblement sa vessie

La bonne société l'en remercie

La République n'en est point contrit(e)

Car se livrant à cette fantaisie

Point de régime qui ne ségrège

Hommes et femmes en un seul collège

 

 

 

 

Déjection amoureuse

 

Je voudrais être une belle crotte

Sortir par le joli trou de ton cul

Et sous la semelle de tes bottes

M’étaler délicatement dans la rue

Je voudrais te suivre à la trace

Jusque sur ton paillasson

Où tu essuierais avec grâce

Les restes de ton fond

Mais dès le lendemain

Glissé sous tes talons

Je suivrais ton chemin

Y inscrivant mon nom

Sous un soleil de plomb

Je sécherais en paix

Et ton cul me ferait l’affront

De bien d’autres pets

 

 

Suis en carence de vitamine D

Besoin de soleil délicat

Lumière douce

Étoile empathique

UV généreux

 

 

Le mort-vivant

 

Le temps passe et il attend

Mais rien ne se passe

Et il se lasse

Le temps passe innombrable

Et seul il l’attend

En vain il se déplace

Mais ce n’est pas mouvement

Et il se lasse

Le temps passe rapidement

Et lentement il attend que quelque chose se passe

Il attend longtemps

Et il se lasse

Le temps alors le dépasse

Et le laisse sur place

Attendant

Seul et vieux

La mort

 

 

 

La turluflûte

 

 

Ma Mie sait doctement jouer de la turluflûte (ouverte)

Instrument oblongue à sang et peau d’hominidé du Xème siècle

Elle maîtrise les variations de pression

De température et d’humidité

Elle jugule la fréquence des notes

En tenant compte de l’ouverture de sa bouche

De sa hauteur et de la vitesse de sortie du vortex

Entre la lumière et le bord de la lèvre supérieure

Elle corrige la fréquence raisonnée de sa fondamentale

En fonction de sa longueur et de son diamètre

Afin de subjuguer le rayonnement dans l’air ambiant

Elle manie délicatement les poches d’air

Soufflant, serrant, écartant avec une inspiration toute pentatonique

Tout en pressant la turluflûte à son entrée

En son centre ou à sa sortie afin de modifier le timbre

Résultant un merveilleux contenu harmonique...

 

 

 

Marseillaise sur le front

 

Allons enfants de l’apatrie

Le temps de l’art est en danger

Groupons-nous contre l’infamie

Des extrêmes incultes et droitiers

D’Orange à Marignane

Vitrolles jusqu’à Toulon

Marchons, marchons

Que le gang des durs

Abaisse son petit front !

 

 

Il ne m'arrive que des merdes

Et j'en ai plein le cul !

 

 

Qui fait mine de...

 

Longue silhouette altière

Aux courbes féminines

Généreuse familière

Qui fait mine

De…

Regards pleins de sens interdits

Narines frémissantes d’érotisme

Pointes de langue amie

Sourires complices

Haute présence de matière

Aux révolutions intimes

Brillante familière

Qui fait mine

De…

Lapsus chargés d’inassouvis

Pensées vibrantes d’euphémismes

Lâchés de mots à demi

Idées de malices

Inaccessible lumière

Aux rayons unanimes

Ma belle familière

Qui fait mine

De…

 

 

Silhouette oblongue

Flamme d’ombre

Dame sombre

 

 

La Belle Jardinière

 

J’aime bien te visiter

Les après-midi d’été

Quand tu vas et tu viens

Dans ton petit jardin

J’aime bien te regarder

Dans cette robe d’été

Qui te moule si bien

Des cuisses jusqu’aux seins

J’aime son décolleté

J’aime sa légèreté

Dans tous tes mouvements

Dans tous tes frôlements

Et ta générosité

Pour ton voyeur préféré

Me laisse perplexe

Car tu es sans complexe

J’aimerais bien qu’une fois

Un moment d’égarement

Te pousse contre moi

Malgré tous tes serments

 

 

La voir et l’avoir

 

Je voudrais la voir simplement

Sans commenter ses mouvements

Et la regarder sans savoir

Que passe le temps

Je voudrais l’avoir simplement

Sans commander ses mouvements

Et l’aimer sans savoir

Que passe le temps

Je voudrais la voir et l’avoir

Simplement

Mais souvent

 

 

La vie n'est que poussières d'étoiles

La mort un coup de vent solaire

 

 

La passante du temps

 

Passante présente

Passe sans attendre

Le temps est compté

Passante composée

Passée par le passé

Déjà oubliée

Passante imparfaite

Passait sans presser

Le pas plus que parfait

Passante simple

Passa par le passé

Aussi oubliée

Passante antérieure

Eut aussi passé

Précieusement

Passante simple

Passera dans le futur

Avec un peu d’espoir

Passante antérieure

Aura passé encore au futur

Avec moins de grâce

Passante impérative

Passe dés à présent

Mais sans retenue

Passante conditionnée

Repasserait bien

Mais avec des si...

Passante infinitive

Définitivement passée

Sans s’arrêter

Et les temps passent…

 

 

Le vague à l'âme et l'écume au masque

 

Se regarder comme pour se chercher

S’observer comme pour se comprendre

S’écouter malgré la voix masquée

S’entendre malgré le sens interdit

Se tendre au-delà de la distance absurde

S’émouvoir en devinant un sourire

 

La communication privilégie désormais

Dans sa grande majorité

La forme plutôt que le fond

Lorsqu'il n'y a plus de fond

C'est le vide

C'est l'ère de la communication du vide...

 

L’artiste peintre du con

 

Toiles d’abord immaculées

Puis vibrantes et ruisselantes

Aqueuses et huileuses

Courbes au pinceau gorgé

Caressant pleins et déliés

Formes au couteau saturé

Incisant ombres et lumières

Matière étalée à la main et grattée du doigt

Couleurs vaporisées sous tous orifices

Perspectives brossées en lignes de fuite

Projections de l’imaginaire

Debout

Plié

Agenouillé

Couché

Vautré

 

 

La femme qui orbite dans ton espace n'est pas un trou noir

 

 

Le ventilateur

 

Le ventilateur découpait des tranches d’air moite

Qui s’amoncelaient sur le parquet

Pour aussitôt former des strates d’air moite

Qui s’élevaient jusqu’au plafond

Le ventilateur tournait en rond

 

 

Désillusions

 

Tout au long de mon enfance

Bercé par mon insouciance

Gavé de belles histoires

J’croyais tout c’qu’il fallait croire

L’éveil de l’adolescence

Projection de l’existence

Fut brutal et illusoire

Sans aucune échappatoire

Puis adulte par essence

Atténuante circonstance

De cet être dérisoire

Je m’ingéniai à y croire

 

 

Il faudra bien céder sa verticalité

Contre le sombre horizon d’une ligne de fond

 

 

Philanthropie et self-défense

 

Les philanthropes devraient protéger leur générosité

Avec la maîtrise du non comme méthode de self-défense

Des organismes microbiens

Attaquent avec cynisme ou débilité leur gentillesse

Des virus prennent leur bienveillance

Pour de la faiblesse ou de la naïveté

Et s'installent sans remords ni compassion pour leur hôte

Ils perturbent l'existence des autres

La plupart du temps dans une impunité totale

Ils cherchent à détruire

Tout simplement parce que c'est leur fonction

Le parasite ne se pose pas de questions morales

 

 

Bonne année !

 

 

Nuit douce et bleutée, lune en déshabillé gris, rues désertes, quartier tranquille, maison bien tenue, art déco aux moyens du bord, soirée convenue de cons venus, d’autres moins, amis dilués, inconnus bruyants, champagne conversation dans bulle salon, musique festive pour faire danser l'ennui de la solitude, seule ou en couple, quelques verres pour le courage, les heures passent à la brasse, bon, allez, temps de l’action directe... putsch sur la chaîne, DJ d’un soir, pas trop le choix, musique limitée, faire avec, faire danser, bouger un pied, une oreille, faire connaître, transmettre, ah, éducation populaire, quand tu nous tiens, jamais de répit, la lutte est continue, lutte des classes, bien sûr, démocratisation culturelle, politisation des consciences, merde à la connerie humaine, oui, même le jour de l’an, emmerder  en chantant, pourquoi pardonner ce qui va se perpétuer ?, résolutions à la con, les années passent, rien ne change, sauf les apparences, tout comme les rentrées de septembre, faut être beaux et bronzés, reposés, pleins de photos à raconter, pauvres vies sans questionnements, esbroufes de paons, paraître en disparaissant, échanges dans le vide, écoutez-vous parler, regardez-vous voir, sentez-vous ce rien en vous ?, éteindre la lumière ou monter le volume ?, anonymes amis, futurs ennemis, cessez de vous habiller de mots et de politesse, le civisme conduit souvent à l’hypocrisie, à poil  tout le monde ! et les femmes d’abord, belles sur leur Haute-Garonne, jambes tendues, gainées de nylon ou parfois de soie, fesses emballées de fête, poitrines encore 2011, d’autres déjà 2012, lèvres saignantes, bouches riantes, langues chargées, bavardes, oreilles aux aguets, yeux hypermobiles, cœurs boussolés, espoirs réduits en vœux, femmes innombrables et singulières, femmes couplées, indisponibles et pourtant… ce soir… un regard rapide d’imaginaire sous des cils fébriles, femmes indifférentes, trop belles contournées ou vaniteuses éthérées, stupidité en taffetas déçoit, femmes juste ordinaires, femmes du quotidien, bien à point, femmes désirées ou pas, femmes de la dernière nuit… ou plutôt du nouveau petit jour, et des hommes aussi, tous en sapes, jeunes requins bien foutus, vieux crabes dodus, hommes virils au verbe haut et au rire gras, souliers rock ou vernis, ongles irréprochables ou mains sales, hommes aux comptes en banques grassouillets, aux grosses cylindrées, hommes quelconques, transparents, timides à l’existence incertaine, à vélo, toto, boulot, dodo, bobo, bobonne, hommes couplés depuis longtemps, accouplés de temps en temps, hommes accompagnés au tarif de nuit, hommes satisfaits ou déprimés, couples libérés… de leurs enfants, chez les grands-parents, alors ma femme et moi on prend du bon temps, (ah ouais, ensembles ?), hommes de tous les maux, mot pour rire, pour impressionner, pour ennuyer, mains cavalières, verve osée ou silences timides, mais n’en pensant pas moins, hommes encore debout pour certains, replets du dîner, vaguement pour d’autres, vidés par vomissures discrètes, alcoolémie de la patrie, le verre à boire est en danger, putain, un joint qui tourne, de l’herbe, ça sent bon, souvenirs d’insouciances, où est ma guitare ?, histoire de changer d’ambiance… Seventies… All you need is love… love is all I need… Mais le temps repasse en brasse coulée, voilà le moment de partir, certains s’en vont, autant en profiter sans se faire remarquer, oui, moi aussi suis fatigué, ai de la route, non merci, vais y aller, là, c’était sympa (surtout ne pas blesser), la musique ?, oui, merci, bah, j'ai fais ce que j'ai pu, vous avez quelques bon cd... on se rappelle… bien sûr, trop bu, oui, mais ça va aller, non vraiment, je préfère rentrer, j’aime bien rouler la nuit, allez, bises, OK,  à bientôt… Ouf…

 

 

Plus on est de cons, moins on le sait